Dans nos sociétés modernes, le stress et la consommation des drogues atteignent un diapason inquiétant avec leurs corolaires de maladies qui s’attaquent à l’esprit telles que la démence ou la folie. Des maladies qui sont perçues comme un déséquilibre mental et qui se manifestent en une perception distordue de la réalité, la perte de contrôle de soi et des comportements absurdes ou sans motif.
En Guinée, pour le traitement de cette pathologie, la médecine traditionnelle est beaucoup plus sollicitée, car plusieurs personnes dans ce domaine, ont un don de guérir des malades mentaux. C’est le cas de Lanciné Millimouno à Kissidougou, connu sous le nom de Yoni Kèlèdou. Ce quinquagénaire qui partage son temps entre l’agriculture et son métier de guérisseur, vit avec son unique femme et ses 9 enfants à Kèlèdou Pombô, un village du secteur Mankô, relevant du district de Waltô dans la sous-préfecture de Yèndè Millimou. Il est issu d’une famille de guérisseurs dont sa défunte mère qui était spécialisée dans le traitement des femmes stériles.
Depuis 2004, il traite les malades mentaux venant de tous les horizons. Certains patients viennent souvent des pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Libéria ou la Sierra Leone. Depuis ses débuts jusque maintenant, ce guérisseur paysan a permis à plus de 150 malades mentaux de retrouver leur santé. Sa particularité réside dans le fait qu’il offre à ses patients un traitement plus rapide et bon marché. Lanciné « Yony » Millimouno, ce célèbre guérisseur nous parle sans tabou des conditions qu’il exige avant de réceptionner un patient.
‘’C’est mon grand frère de lait qui m’a appris ce métier, lui-même a été formé par mon père. Donc, c’est un héritage chez nous. Nos parents faisaient ça pour aider la communauté et non pas pour s’enrichir. C’est pourquoi, moi aussi je suis leur trace ; donc, je fais comme je les ai vus faire. Le délai de traitement chez moi c’est 90 jours, soit 3 mois. Si le malade n’a pas été injecté avant de l’envoyer, si toutefois il est déjà injecté, en ce moment, il pourra faire jusqu’à un an avant de guérir, parce qu’il faut que je débarrasse son corps de cette injection d’abord. Ici, quand on envoie un malade, les conditions sont simples: sa famille devra apporter les matériels tels que la couverture, le seau, la marmite, le gobelet, un coq, des colas et une somme de 450.000 francs guinéens dans un premier temps. Après le traitement, quand la famille est satisfaite de l’état du patient, on me paie encore 450 mille francs, ce qui fait en tout 900 mille. Je précise que c’est la famille qui prend en charge la restauration du malade, mais comme on est en Afrique, quand ma femme prépare, elle donne à manger à tous les malades. D’ailleurs, il y a des familles qui viennent abandonner leurs parents ici sans assurer leur restauration et cela me crée d’énormes problèmes. Quant à l’hébergement, c’est moi qui assure cela. Je les héberge en fonction de l’évolution du traitement’’, témoigne-t-il.
Plus détendu et toujours souriant pendant notre entretien, le guérisseur n’a pas du tout hésité de nous raconter quelques étapes de la phase de traitement des patients.
‘’Quand un malade est nouvellement venu, il doit être enchaîné au pied d’un arbre, afin qu’il accepte les médicaments qu’il devra boire ou se laver avec. Moi, je dois ensuite me rendre en brousse à la recherche des feuilles, des racines ou des écorces que je dois faire bouillir dans une marmite, puis je lave la tête du patient avec ce premier médicament. Ensuite, je me retourne en brousse pour un autre médicament en liquide que je vais mettre dans les yeux du patient. Cette action est répétée jour après jour, mais à chaque fois, j’ai un médicament qui m’informe de l’évolution de l’état de santé de chaque patient. Enfin, quand tous les signes sont réunis pour indiquer qu’un malade est guéri, je dois l’envoyer quelque part en brousse non loin d’ici. Je ne peux raconter ce qui se passe là-bas, ça, c’est un secret, c’est mon frère qui m’avait montré cette partie de la forêt. En tout cas, c’est là-bas je vais finaliser complètement le traitement le même jour. Après ça maintenant, je le mets à la disposition de sa famille’’, a-t-il expliqué.
Plus loin, notre interlocuteur nous a fourni quelques indices à travers lesquels il contrôle l’état de son patient. ‘’Vous savez, les yeux sont directement connectés au cerveau. C’est pourquoi, pour moi, l’œil est un bon indicateur pour comprendre l’état du cerveau. Un malade mental qui guérit, vous allez remarquer que ses yeux deviennent peu à peu clairs. Encore, un malade mental qui retrouve sa santé mentale, présente des comportements qui indiquent sa santé comme sa façon de manger, vous allez remarquer qu’il va beaucoup aimer la bouffe. Au fur et à mesure que sa santé mentale évolue, il va présenter des signes encourageants, il va retrouver ses souvenirs, il va commencer à raisonner, à saluer et à prendre soin de lui-même. Finalement, je vais lui enlever la chaîne et je vais continuer à contrôler ses mouvements à travers des petits tests. Mais, le totem de mon traitement, c’est d’abord la consommation de l’huile de palmistes, l’alcool, la drogue ou tout autre stupéfiant. Alors, quand vous avez un malade mental, il faut l’amener vite, car le plus tôt, c’est mieux et surtout, il ne faut pas lui donner des injections avant de l’envoyer chez un guérisseur traditionnel, sinon, ça risque de compliquer la tâche’’, a-t-il raconté.
À noter Kèlèdou Pombô est un village arrosé par un petit fleuve dénommé Fangaï, un cours d’eau qui a une chute naturelle qui peut forcément intéresser les touristes si elle est mise en valeur. Toutefois, Kèlèdou qui est un village en plein essor en terme de densité, n’a ni école primaire ni un poste de santé.
Depuis Kissidougou, Ousmane Nino SYLLA, pour Lerevelateur224.com.
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