Les ministres des affaires étrangères du Mali, du Burkina et du Niger, ont écrit conjointement, au président en exercice du conseil de sécurité de l’ONU, pour lui demander de prendre ses responsabilités contre l’Ukraine pour son “soutien ouvert et assumé au terrorrisme international, en particulier, au Sahel. Presque de l’ironie et de la provocation, peut-être aussi, le signe d’un désarroi que des putschistes sollicitent de faire respecter le droit et la légalité, fassent recours à la communauté internationale dont ils se sont détournés, foulent aux pieds les résolutions, les principes et les valeurs. De qui se moque-t-on ?
Les putschistes de l’AES marchent sur la tête et croient qu’il est possible comme dans les pays qu’ils prennent en otage de réussir partout l’inversion des valeurs. En voilà des Tartuffes et des tartarins qui ont l’indignation sélective et sont décidés à narguer la conscience universelle. Eux, qui ont pris des armes pour renverser des chefs d’Etat élus, bafouer les institutions de la République, oppriment leurs peuples, repriment tout démocrate et esprit libre, s’adressent à une communauté internationale à laquelle ils livrent une guerre sans merci pour obtenir son soutien pour leur cause douteuse. Ils ne demandent ni plus ni moins que de punir l’Ukraine engagée dans une lutte contre la Russie qui a envahi son territoire et menace son intégrité territoriale.
La communauté internationale qui défend l’intangibilité des frontières et la souveraineté des Etats, s’est rangée dans son ensemble derrière l’agressé contre l’agresseur. Elle ne peut cautionner l’arbitraire et l’oppression ni s’associer aux crimes et aux criminels. C’est pourquoi, elle est aussi opposée aux coups d’Etat, n’a pas d’égard pour les putschistes. Ceux-ci, en rupture de ban avec le monde libre et civilisé, ont entrepris de faire cavaliers seuls. Chaque fois qu’il leur est rappelé qu’ils sont dans l’illégalité et qu’il est exigé d’eux un retour à l’ordre constitutionnel, ils montent sur leurs grands chevaux pour dénoncer une ingérence dans leurs affaires intérieures, invoquer le droit à la souveraineté, si ce n’est de parler de légitimité populaire qui n’émane pas des urnes mais plutôt des armes et scandée, tout le temps, dans les rues à travers des manifestations commanditées et suscitées avec des espèces sonnantes et trébuchantes.
Pourquoi alors, faire recours aux institutions internationales et à la communauté des États lorsqu’on a clamé sa maturité et sa capacité à conduire, seul, en grand, son destin, à l’insu des autres? Aussi bien les Nations-unies, en tant que maison commune, qu’avec les États influents qui y ont voix au chapitre, les pays de l’AES sont dans une logique de défiance systématique et de rébellion ouverte. Les ponts ont été coupés, beaucoup des partenaires ont été renvoyés sans préavis ni ménagement. Pourquoi encore se tourner vers eux si ce n’est pour ravaler ce qu’on a craché?
Le Mali, le Burkina et le Niger sont franchement ridicules d’accabler l’Ukraine alors qu’ils accueillent sur leurs territoires des mercenaires russes de Wagner qui, au quotidien, sans limites ni retenue commettent des exactions sur de paisibles populations, massacrées, massivement. Des actes pires parfois que les attaques terrorristes. Des pogroms suivis dans le monde entier, sous l’œil vigilant des caméras et flashs d’appareils photos. Quand la communauté internationale lève le petit doigt, fait des rapports, des dénonciations, on crie au sabotage, au complot, à l’atteinte aux droits des peuples, et tutti quanti.
Les États de l’AES qui voudraient que personne ne se mêle de leurs affaires, exhortent à interpeller d’autres, comme si le droit international était à géométrie variable, ne les concerne pas, mais, est l’épée de Damoclès sur la tête seulement d’Etats démocratiques, de dirigeants élus et fréquentables. Soit! Alors qu’ils s’en éloignent parce que ne remplissant aucune condition, éligibles à aucun critère pour faire partie du concert des nations.
Les juntes malienne, Burkinabé et nigérienne, honnies de tous, devraient assumer, pour une fois, leur choix démentiels de s’isoler du reste du monde pour n’avoir de comptes à rendre à personne et se débrouiller entre elles pour régler les problèmes qui se posent à elles. N’ont-elles pas affirmé n’avoir besoin de personne? N’ont-elles pas crié sur tous les toits qu’à trois, elles peuvent gouverner le monde, changer l’ordre mondial, opérer des miracles?
En tout cas, le monde n’est pas à leurs pieds, les institutions et les nations qui sont ancrées dans la démocratie et l’Etat de Droit sont respectueuses des droits humains, ne sont pas à leur merci, à leur disposition, surtout n’entendent pas satisfaire leur égo ou s’aligner sur leurs positions dénuées de raison, de bon sens, de réalisme, dépourvues aussi de morale. On ne peut réclamer des droits lorsqu’on est incapable d’assurer ses devoirs. Pour être écouté et respecté, pris au sérieux, il ne faut pas se comporter comme un marginal ni enfiler l’habit d’un hors-la-loi, sans cesse porté à la transgression.
Il n’y a aucune leçon ni injonction à recevoir de régimes illégaux et illégitimes dont les dirigeants ont les mains tâchées de sang.
Samir Moussa