Le comité du prix Mo Ibrahim, c’est tout à son honneur, dont Mahamadou Issoufou est l’un des récipiendaires, est monté au créneau pour demander des comptes à ce dernier, à cause de tous les soupçons avérés de collusion entre la junte au pouvoir au Niger et lui. A juste titre, parce que le prix Mo Ibrahim a pour vocation noble de promouvoir sur un continent qui en manque cruellement, les valeurs de démocratie, d’Etat de droit et de bonne gouvernance.
Les prometteurs de cette distinction prestigieuse, très convoitée, depuis qu’elle a été instituée, au risque de nuire à leur initiative et de se disqualifier aux yeux du monde, ne pourraient associer leur nom à n’importe qui, engager leur réputation avec toute personne qui va à l’encontre des normes établies, surtout si, dores et déjà, elle a bénéficié de leurs suffrages. C’est pourquoi, la fondation Mo Ibrahim, n’a pu se retenir d’adresser un courrier à l’ancien président nigerien pour lui demander des explications à propos de son implication dans le coup d’Etat contre le Président élu du Niger, Mohamed Bazoum et de son soutien à ses tombeurs.
Peut-être, a-t-on voulu connaître la version des faits de Mahamadou issoufou avant une éventuelle décision de le déchoir du prix qui lui a été attribué, que des milliers de personnes, hommes D’Etat, sommités intellectuelles, leaders d’opinion, dirigeants du monde, acteurs de la société civile, personnalités des médias, à travers le monde, estiment désormais, immerité et caduc.
Les putschistes, leurs alliés, soutiens et partenaires n’ont pas droit à des honneurs ou distinctions réservés aux hommes de vertu, engagés à défendre la Démocratie, ses principes et ses exigences. Mahamadou issoufou a été distingué, fait lauréat, parce qu’il a été crédité d’avoir quitté le pouvoir, à l’issue des deux mandats permis par la constitution de son pays, donc d’avoir été l’artisan de ce qu’on a considéré et salué comme la première alternance historique du Niger. De la poudre, de perlimpinpin!
Aujourd’hui, des témoignages concordants, des faits éloquents, des preuves accablantes, concourent, infailliblement, à démontrer que le Général Tiani a bénéficié, de bout en bout, d’amont en aval, de l’aide sournoise, non moins précieuse, du prédécesseur du Président Bazoum pour perpétrer son coup de force. Il continue, à ce jour, d’avoir son assistance. En retour, Mahamadou issoufou, jouit de la protection manifeste de la junte: il est souvent reçu au palais où il est toujours le bienvenu, au premier rang des visiteurs du soir, ce sont des hommes de Tiani qui assurent sa protection, jusqu’à présent, son fils qu’il dit être détenu pour se défendre d’être dans les bonnes grâces de la junte nigérienne, n’est prisonnier que de nom, ayant toutes les commodités à sa disposition, bref, Mahamadou issoufou tire les marons du feu pour le CNSP, au pouvoir, malgré ses dénégations répétées. Les jours de fêtes aussi, il se fait un devoir de prier aux côtés de son poulain, avant d’aller au palais lui présenter, solennellement, ses respects, ses compliments en sa qualité de chef de l’Etat.
Il convient à ce stade, de revenir sur les événements du 26 juillet 2023, en relatant les différentes péripéties qui attestent que le sieur Issoufou est l’un des cerveaux moteurs de la félonie militaire. Il avait reçu à 6 h du matin le colonel Ibro, à l’époque l’adjoint du général Tiani, venu l’informer que ce dernier, a mis en place durant la nuit, un dispositif , tel qu’il pourrait s’agir d’un prémice à un coup d’état imminent . Issoufou lui a demandé de qui il relève. Le visiteur a répondu qu’il est sous les ordres du général Tiani. Issoufou l’a alors exhorté à se conformer à ses ordres et instructions, à ne pas lui désobéir, en quoi que ce soit.
La fameuse matinée du 26 juillet 2023, le président Mohamed Bazoum a tenté de joindre son prédécesseur de le prévenir des mauvaises intentions de l’homme qu’il lui avait vivement recommandé, qui le retenait en otage. Un fait, loin d’être anecdotique: Tiani devait aller en formation à l’école d’état major au Nigeria. C’est à la demande expresse de issoufou qu’il ne s’y pas rendu finalement. Bazoum avait fini par avoir Issoufou auquel il a détaillé toute la situation. Il a promis à celui qui était encore son ami de tirer les choses au clair. Après un court instant, Issoufou a informé Bazoum qu’il n’est pas parvenu à accéder à Tiani. Qu’à cela ne tienne. Il s’est engagé à aller à sa rencontre dans sa caserne.
C’était l’échappatoire trouvée, parce que pour qui connaît l’ancien président, sait qu’il n’est pas homme à prendre des risques, à aller au devant d’un danger. Quel courage exceptionnel, aurait pu le pousser donc à aller conférer avec des soldats engagés dans des manœuvres pour renverser un régime qu’il symbolise plus que toute autre personne? Comment peut-il forcer la porte de Tiani qui n’a pas daigné décrocher ses appels, selon lui?
Ce jour là encore, des loyalistes étaient déterminés à déjouer ce qui n’était encore qu’une tentative de coup d’Etat. Dans cette optique, une réunion avait été convoquée par le chef d’Etat major général des armées au prytanée militaire .
Le colonel Guiré Mido, commandant de la garde républicaine, qui s’apprêtait à lancer un assaut contre les putschistes à envoyé son adjoint, le colonel Ahmed Sidiyan pour le représenter à cette réunion. Issoufou a téléphoné au colonel Ahmed Sidiyan, au colonel major Karimou Hima, adjoint au commandant de la gendarmerie et au général Assahaba Ebankawel, pour les inviter à le retrouver chez lui.
Après l’entretien qu’il a eu avec eux, tous les trois ont retourné leurs vestes pour finalement se retrouver auprès de Tiani. Par ailleurs plusieurs chefs d’états convaincus que Mahamadou Issoufou pourrait user de son influence sur Tiani pour lui faire entendre raison, ont été surpris qu’il s’emploie plutôt à leur expliquer dans le menu détail les motivations de son protégé. Il leur a expliqué à tous que Bazoum avait traité avec mépris Tiani qu’il n’a pas consolé lorsqu’il a perdu son cheptel à la suite d’attaques terroristes. A cette malheureuse occasion, le Chef de l’État aurait manqué à son devoir en n’apportant pas son soutien et sa compassion au sinistré.
Dans sa réponse alambiquée à son interpellation, qui est un plaidoyer prodomo, il tente, avec l’énergie du désespoir et des oripeaux de droiture, de faire croire qu’il a condamné le coup d’Etat dès ses premières heures. C’est la énième fois qu’il veut accréditer la thèse qu’il est anti-putsch, qu’il est opposé à toute prise de pouvoir par les armes. S’il lui faut le répéter, le redire ,chaque fois, à toutes les occasions, après qu’il soit interpellé, c’est e qu’il fait clairement ou qu’on ne le croit pas assez sincère, sa position de principe et ses propos prononcés du bout des lèvres aux antipodes des actes reprehensibles qu’il n’a de cesse de poser, au vu et au su de tout le monde.
Il est bien naïf de penser qu’on le croira sur parole, uniquement, au lieu de le juger aux actes, sur pièces. Et, ce n’est sans doute pas, en accusant la CEDEAO d’avoir torpillé sa médiation pour une sortie de crise qui restaure l’ordre constitutionnel et rétablit le Président renversé dans ses fonctions qu’il se blanchira davantage. Sa médiation qui n’en est pas une a consisté à plaider auprès des algériens et d’autres partenaires du Niger pour une transition de 6 mois à un an, dirigée par une personnalité crédible acceptée par toutes les parties, en l’occurrence lui même. Il n’a jamais évoqué, à aucun moment dans sa démarche, le retour au pouvoir de son successeur exigé par tous, au début de la crise.
Pire, tout le temps que Bazoum a eu la latitude de communiquer, librement, jamais Mahamadou Issoufou ne lui a témoigné, son soutien et sa solidarité dans son malheur. Il évitait, soigneusement, d’aborder avec lui la situation du moment, embarrassante pour lui. Chaque fois qu’il lui arrivait de lui téléphoner, leur conversation était superficielle, durait à peine une poignée de secondes et se résumait à des salutations, à demander des nouvelles de la famille de Bazoum, son épouse, Khadija, son fils Salem.
Pour revenir à ses griefs à l’encontre de la CEDEAO, lorsqu’il était encore aux affaires, c’est bien lui qui a tapé du poing sur la table, a insisté pour exiger de ses pairs une intervention militaire après le coup d’État au Mali contre le président Ibk. Dans le dossier nigérien, il n’a jamais envisagé, de bon cœur, une solution qui va dans le bon sens et l’ordre normal des choses. Au contraire, il a manœuvré pour éviter le retour au pouvoir du Président Mohamed Bazoum, parce qu’il a pactisé avec les militaires acquis à sa cause personnelle.
L’autre fait qui accable Issoufou vient de la visite du Président tchadien, Deby fils à Niamey en pleine crise. Reçu par Tiani, celui-ci l’a guidé vers Issoufou qui l’a invité à un dîner chez lui. Au cours du repas, le putschiste a appelé plus d’une fois son parrain et mentor. Pendant tout le dîner, l’ancien président s’est évertué à expliquer et justifier le coup d’état intervenu dans son pays, contre son successeur.
Issoufou, enfonce le clou en réitérant qu’il est contre le recours à la force, les interventions militaires pour résoudre les crises politiques, imposer le Droit et la Démocratie. Il s’enorgueillit de s’être opposé à la guerre en Lybie en insuniant que l’histoire lui a donné raison. Bien sûr, il ne mentionne pas qu’il a livré le fils de feu Mouamar Kaddafi qu’il a acueilli au Niger, pour tous les services rendus à lui par le père, à ses ennemis, contre des malettes de dollars.
Pour l’histoire Saad Kaddafi est venu au Niger muni d’une lettre manuscrite adressée par Kaddafi à Issoufou . Dans ladite lettre , le guide avait écrit que son sort était scellé , en conséquence, avait sollicité l’asile pour son fils . Issoufou a agréé la requête avant de se rétracter en échangeant son hôte contre des dollars.
Il ne relève pas non plus que les juntes n’entendent que le langage de la force et ne plient que devant les armes. A quoi ont servi les conciliabules, les négociations, si ce n’est de permettre aux putschistes de gagner du temps et de mieux s’implanter?
Trahi par son égocentrisme et son esprit clanique, d’abord les siens et lui, ensuite les autres, alors que c’est le sort du Président Mohamed Bazoum qui demeure le Président légitime du Niger qui est mis en avant ,notamment sa libération sans conditions par ses geôliers, l’ancien président tire la couverture de son côté, en citant “le cas” de son fils, emprisonné aussi et d’autres “camarades” qui seraient privés de liberté comme pour faire diversion et faire comprendre, également, qu’il n’y a pas que Bazoum qui soit dans le malheur et mériterait une attention du monde.
Il faut rappeler que jamais, Mahamadou issoufou, comme tout le monde entier l’a fait, malgré ses liens personnels avec lui, leur proximité connue de tous, n’a appelé à la libération de l’infortuné Président Bazoum, qu’il continue de clamer, serait son ami, encore moins, n’a fait de cela une revendication forte, voire une exigence. Une attitude, en soi, suspecte, si ce n’est coupable. L’homme, à la double face, est plus soucieux de plaire aux nouveaux maîtres du pays pour préserver ses intérêts qu’il ne serait porté à défendre des convictions démocratiques et principes constitutionnels et Republicains. Et cela, chacun le sait maintenant et la fondation Mo Ibrahim doit en tirer toutes les conséquences, sans délais, en reprenant à Issoufou son prix, auquel il ne fait pas honneur, qu’un homme d’une duplicité certaine ne peut avoir. Si non, le prix perdra de sa valeur, de sa notoriété et de son audience, parce qu’il aura récompensé, à postiori, une personnalité sulfureuse, controversée qui s’est rangée derrière des hors-la-loi et a choisi le mauvais côté de l’histoire.
S’il persiste à ménager Issoufou à son détriment et contre les intérêts de son institution, Mo Ibrahim se sera fait hara Kiri, tout seul, aura sacrifié le prix porté par sa fondation qu’il a créé pour valoriser le bien et les gens de bien et non pour récompenser le mal et les malfaiteurs. A lui de choisir.
Samir Moussa