En Guinée, la dernière sortie du Premier ministre Amadou Oury Bah face à la presse la semaine dernière, continue de polariser les débats dans le landernau politique. Alors que le chef du Gouvernement se présente depuis sa venue à la Primature, comme un fervent partisan du glissement du calendrier de la transition, le premier Vice-président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) a recadré ce mardi 14 mai 2024, le locataire du petit palais de la colombe.
Dans un entretien accordé à un journaliste de notre rédaction, l’honorable Fodé Oussou Fofana a invité le chef du Gouvernement de transition à revoir sa posture. De l’avis de l’ex chef de file du groupe parlementaire les Libéraux Démocrates au compte de la huitième législature, Bah Oury n’est ni le CNRD, ni son porte-parole.
LEREVELATEUR224.COM: Honorable Fodé Oussou, en tant que vice-président de l’UFDG, comment jugez-vous la sortie du premier ministre Bah Oury, quand il dit qu’il y a des gens qui pensent qu’une transition consiste à organiser les élections pour leur donner le pouvoir ?
FODE OUSSOU FOFANA : Je n’ai rien de personnel contre le premier ministre Bah Oury, mais je suis étonné de constater que cette déclaration vient du coordinateur de la manifestation du 28 septembre 2009, contre la junte dirigée par le président Dadis Camara. Vous connaissez l’issue tragique qui devrait interpeller le militant des droits de l’homme qu’il est.
Je voudrais dire à Bah Oury, que la vocation première d’un régime de transition, est d’organiser avec diligence le retour à l’ordre constitutionnel civil. J’entends certains dire Monsieur Bah Oury est l’homme politique le plus intelligent en Guinée ; donc, il doit savoir qu’une transition a un caractère exceptionnel, précaire et provisoire. Pour lui, ce dernier ne peut nullement tripatouiller un accord scellé entre la junte au pouvoir et la CEDEAO.
Le premier ministre Bah Oury a aussi déclaré sur les antennes de RFI, que les élections ne pourront se tenir en fin 2024. De facto, il est dans une perspective de glissement du calendrier de la transition. Quelle est la réaction de votre parti ?
J’ai vu que Monsieur Bah Oury porte bien la tenue militaire… Mais, à ma connaissance, le premier ministre n’est pas membre du CNRD. Donc, il a tort de faire une telle déclaration, il n’est ni lieutenant, ni colonel ! Il n’est pas membre du CNRD.
Le CNRD a pris des engagements clairs dans le cadre du calendrier de la transition concerté avec la CEDEAO. Qui est Monsieur Bah Oury pour rompre un engagement pris par les autorités de transition devant le peuple Guinée et devant la communauté internationale ? Il faut qu’on soit sérieux dans ce pays.
Monsieur Bah Oury n’a qu’à s’occuper des affaires courantes, présider les cérémonies d’inauguration et de pose de premières pierres. Qu’il profite des privilèges et avantages de la fonction de premier ministre qu’il a tant voulue. Nous lui souhaitons le meilleur dans cette phase ultime de sa carrière politique. Comme Elhadj Cellou Dalein Diallo, Lansana Kouyaté, Lounceny Fall ou encore Mohamed Béavogui, il peut en fin mettre le titre de premier ministre sur son CV.
Notre interlocuteur en tant que partie politique et Forces vives, c’est bien le CNRD, pas un homme qui est chargé d’expédier les affaires courantes.
Ne croyez vous pas que si Bah Oury se projette dans la perspective de glissement du calendrier de la transition, c’est bien parce qu’il est en phase avec le Général Mamadi et le CNRD ?
Vous savez, les gens ont le droit de défendre tout et n’importe quoi dans ce pays, la loi ne l’interdit pas. Mais l’honneur et la dignité recommandent à tout homme, à toute femme, d’observer un certain nombre de valeurs en société. Surtout, lorsque vos propos engagent la vie de la Nation.
Le Général Mamadi Doumbouya a clairement répondu à la question d’Alain Foka (ancien journaliste de RFI Ndlr), que la dignité c’est le respect de la parole donnée. Qu’il ne se maintiendra pas au-delà de la fin de la transition. C’est tout à son honneur. Pour nous, cette transition s’arrête le 31 décembre 2024 à minuit.
Monsieur Bah Oury n’est ni le CNRD, ni le porte-parole du CNRD, il prend des risques en s’aventurant dans un projet de glissement du calendrier initial de la transition. S’il s’obstine, le peuple de Guinée ne le lui pardonnera pas et il devra en assumer les conséquences.
Le premier ministre a quand même pour attribution d’être le chef d’orchestre du dialogue entre le pouvoir et les Forces vives. Donc, il est de sa responsabilité de mener le dialogue avec tout le monde et de faire le constat d’un calendrier impossible à tenir. N’est-ce pas ?
Pour conduire le dialogue, il faut être crédible et conséquent. Vous semblez oublier que Monsieur Bah Oury est l’un des signataires des résolutions issues du cadre de concertation. Il est le premier à avoir constaté que les engagements n’ont pas été tenus par le CNRD. Qu’il s’attèle à poser les actes de préparation du retour à l’ordre constitutionnel.
Comment voulez-vous que les élections soient organisées alors que le processus a pris du retard, le projet de constitution reste introuvable ? Est-ce qu’il ne faudrait pas accepter un léger glissement du calendrier ?
Si rien n’a été fait depuis le lancement du compte à rebours du calendrier de transition, c’est la responsabilité du CNRD et non la nôtre. Donc, qu’on ne vienne pas nous dire, « tenez, on est en retard, on va repousser un peu ». Que chacun assume sa responsabilité, la nôtre est de considérer que le processus de transition prend fin le 31 décembre 2024 à minuit. Pas une minute de plus. Point !
Que pensez-vous de l’affirmation de Bah Oury, selon laquelle, des gens donnent de l’argent aux jeunes (de l’Axe) pour les inciter à manifester contre le pouvoir? La jeunesse serait manipulée selon lui.
Ce type de déclaration ne mérite pas un commentaire de ma part, parce que c’est indécent d’insulter la mémoire des martyrs des tueries dans ce pays. Si Monsieur Bah Oury a été acteur de la corruption des jeunes par des responsables politiques en vue d’affronter le pouvoir et de remplir un cimetière entier, qu’il nous le dise.
Je suis triste de constater que ces déclarations viennent d’un homme qui a fait partie de nos rangs et avec lequel, nous avons manifesté aux côtés des jeunes dont certains sont tombés sous les balles assassines. Bah Oury a été l’un des fondateurs de l’organisation guinéenne pour la défense des droits humains. Je lui demande de se ressaisir et de se concentrer sur sa fonction, rien que sur sa fonction et ce sera mieux pour tout le monde.
Interview réalisée par Alpha Madiou BAH.
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