Dans la communauté Kissiah, l’initiation à la ‘’forêt sacrée’’ apparaît comme le moyen le plus sûr de conservation de la culture ou de la tradition qui se manifeste à travers la formation, l’éducation ou la sensibilisation d’un groupe d’hommes de toutes tranches d’âges confondues (petits garçons, adolescents ou adultes).
Ce processus d’initiation aux valeurs culturelles du monde Kissi connaît plusieurs phases dont la retraite ou le séjour de plusieurs nuits en pleine forêt, loin de la communauté. Là, des candidats à l’initiation recevront des cours théoriques et pratiques autour des thèmes essentiels tels que la morale, les techniques de défenses physiques ou mystiques, la sécurisation de la communauté, la loyauté, l’amour du travail, l’endurance, la médication traditionnelle, les chants et danses du terroir etc.
Ainsi, avant de mettre un terme à cette longue période d’apprentissage, une cérémonie de fin d’initiation sera organisée pour déclarer solennellement chaque membre du groupe comme étant définitivement initié à la ‘’forêt sacrée’’.
Ce mardi 23 avril 2024, une cérémonie de fin de formation d’une cinquantaine de nouveaux initiés a mobilisé plusieurs centaines de personnes dans la localité de Waltô, relevant de Yèndè Millimou, l’une des 12 communes rurales de Kissidougou. L’espace ainsi réservé pour cette cérémonie comportait une tribune, un petit couloir fait de bambous où les initiés pouvaient changer des accoutrements, un air libre au milieu de la foule, réservé pour les démonstrations et une sorte de tour haute de 4 mètres environ qui surplombait la foule et qui servait de loge aux musiciens.
Pendant plusieurs heures, la foule a été tenue en haleine par ces initiés, esquissant en chœur des pas de danse au rythme des musiques du terroir. Dans la foulée, on assistait aussi à des démonstrations souvent mystérieuses avec des masques multicolores qui faisaient peur aux tout-petits. Tamba Cyril Diawara, professeur de littérature au lycée Yèndè, est membre de la commission d’organisation. Il revient sur les grandes étapes de l’initiation.
‘’Cette cérémonie, c’est la phase finale de l’initiation qui a duré 6 mois. On appelle ça chez nous ‘Toma Sonko’ et ça concerne seulement les hommes. Il y a aussi ‘Toma Kondo’ pour les femmes. D’abord, tout commence par la pré-inscription qui consiste à regrouper tous les candidats à l’initiation qui viennent des différents villages Kissi. Ensuite, il y a l’étape de l’initiation proprement dite qui passe par la construction des habitats que vous voyez maintenant. Et enfin, la dernière phase, c’est la cérémonie de fin d’initiation comme ce que nous organisons aujourd’hui. Ici, il n’y a pas de tabou, c’est la coutume qu’on enseigne’’, a-t-il signifié.
Parlant de l’importance de cette pratique, Cyril Diawara précise. ‘’La forêt sacrée, c’est une école qui nous enseigne nos propres valeurs. Nos enfants vont dans les écoles arabes ou occidentales, mais en réalité, ils doivent commencer par ça. Aujourd’hui, Il y a la modernité qui tend la main à nos enfants, donc, cette initiation, c’est une manière de les enraciner dans leur culture. Après cette cérémonie, il sera interdit aux initiés d’être responsables des coups et blessures, de vol ou de viol, de crime de sang etc. partir d’aujourd’hui, il devient un homme nouveau avec un nouveau statut. En tout cas, à partir de l’instant, la société peut compter sur lui en terme de discipline, de courage et de loyauté. En plus, il devient gardien de la coutume’’, a-t-il clarifié.
Sayon Kamano, 11 ans et élève de la 4ème année, est parmi les nouveaux initiés. Malgré son âge, il nous explique ce qu’il a appris. ‘’J’ai appris beaucoup de choses. Je ne peux dire tout, mais j’ai appris les chants et les danses, on m’a indiqué le sens des chants. Je ne suis plus comme mes amis qui ne sont pas initiés. Mais malgré tout, ce que j’ai appris, je dois rester très discipliné, je dois respecter les personnes âgées, je dois respecter et protéger les femmes et les tout-petits’’, a-t-il témoigné.
Il faut signaler que les kissia forment une communauté caractérisée par la vie en communauté et l’attachement à la coutume. L’agriculture et le petit élevage forment leurs activités principales. On les rencontre généralement dans les préfectures de Guéckédou, Kissidougou, Faranah, Macenta et dans les pays limitrophes comme le Liberia et la Sierra Leone.
Depuis Kissidougou, Ousmane Nino SYLLA, pour Lerevelateur224.com.
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