Le drame de notre pays, c’est la rareté destructrice des hommes et femmes d’État et la profusion, la surabondance des hommes et femmes politiques. Nous devons être plus attentifs et travailler à construire une démocratie qui ne soit plus simplement porteuse du sentiment immédiat et flottant de l’air du temps, mais pour une démocratie qui fait la distinction entre l’opinion de l’instant et le pouvoir de la volonté, entre l’immédiateté et le long-terme.
QU’EST CE QU’UN HOMME D’ÉTAT ?
Il existe une différence fondamentale entre un politicien et un homme d’État. Contrairement aux croyances, un homme d’État n’est pas celui qui a accumulé de l’expérience par sa trop longue présence dans les gouvernements, dans l’appareil de l’État ou à l’extérieur. Cela caractérise plutôt un homme politique.
Un homme d’État a un oeil fixé sur un horizon lointain et s’oblige à penser dans des termes inédits de nos obligations vis-à-vis des générations futures. Tout le contraire du politicien qui lui est dominé par les errements d’une pensée au jour le jour, une préférence éperdue pour le présent et un comportement dicté par le court-terme de l’échéance électorale à venir. Qu’importe la faiblesse infinie de ses chances de succès pour cette échéance précise, le politicien frappé par la cécité de son penchant court-termiste et du caprice de l’instant ne parle que d’élection et relègue ce qu’il ferait après l’élection à l’état de slogan. Or précisément, la politique n’est pas un caprice; c’est une volonté.
Et cette dernière ne peut exister que comme une forme historique, comme effort de construction d’une vision, comme durée, comme investissement. Il en est ainsi parce que la démocratie ne se définit pas et ne se réduit pas aux élections. On peut parfaitement imaginer l’existence d’une démocratie sans élection ou à l’inverse l’existence d’élections régulières sans démocratie. L’élection n’étant qu’une forme d’expression, une façon d’approcher la démocratie.
Abdoulaye OIP CONDÉ, Politicologue, Promoteur de la Pensée Heuristique.