C’est la comparaison qui dégrade l’âne ” , dit-on. Avec le temps et le recul, les Nigeriens mesurent mieux et davantage le fossé énorme existant entre la présidence interrompue de Mohamed Bazoum qui nourrit un fort sentiment de nostalgie et la parenthèse chaotique ouverte avec l’avènement d’une junte au pouvoir. Un an après le départ forcé d’un homme qui avait toutes les cartes en main pour sortir le Niger de l’ornière, le pays ressemble à une vaste étendue de ruines. Le contraste est saisissant entre l’espoir de meilleures conditions de vie incarné par le président déchu et l’atmosphère de chaos qui prévaut actuellement avec des autorités militaires, impuissantes face à tous les défis qui s’amoncellent dans le ciel nigerien. Qu’il s’agisse de la sécurité, de l’économie, des droits et libertés publiques, de la défense, ou même de la question de la souveraineté qui est le thème de prédilection des nouveaux maîtres du pays , érigé par eux en priorité nationale , l’on ne peut relever aucune avancée ni entrevoir la moindre embellie , à plus ou moins, brève échéance. Au contraire, Il est clair que dans l’état actuel des choses qui n’augure rien de bon, il n’y a pas de perspectives heureuses ni d’horizons radieux . Tout s’est effondré, la vie s’est arrêtée dans un pays où le ” temps a suspendu son vol”, le progrès a été fauché dans son envol. Au cours des 12 mois passés, l’on a été témoin malheureux d’une dégradation continue de la situation, d’une déconstruction systématique d’inestimables acquis du régime du président Bazoum au détriment de populations auxquelles de graves souffrances sont infligées, quotidiennement.
1- sur le plan de la sécurité nationale
Le tableau est alarmant. Certains qui n’en reviennent toujours pas n’hésitent pas à établir un parallèle entre la situation actuelle catastrophique du Niger à celle que le Mali avait connu , il y a de cela douze ans. Les djihadistes avaient réussi à prendre le contrôle quasiment de la moitié du territoire malien. Même si la comparaison frise l’exagération, il n’en demeure pas moins, qu’on est loin de l’époque du Président Mohamed Bazoum qui n’avait concédé aucun centimètre carré du territoire national. Aujourd’hui, les groupes armés ont réussi à installer des bases le long des frontières du Mali et du Burkina Faso, se créant ainsi une profondeur stratégique qui facilite leurs différentes incursions dans le pays. Ils poussent l’audace jusqu’à mener des attaques aux portes de la capitale Niamey où ils rôdent, fréquemment. La situation est d’autant préoccupante que les attaques concernent toutes les régions du pays avec une ceinture autour de Niamey de plus en plus vulnerable. Tout cela est la conséquence malheureuse des mauvais choix sécuritaires qui ont déréglé et anéanti le dispositif hérité du Président Mohamed Bazoum qui a eu le mérite de s’appuyer sur des partenariats stratégiques pour compléter l’effort national propre. Les chiffres, parlent d’eux-mêmes. En deux ans d’exercice du pouvoir au cours de son mandat violé, le Niger a perdu 59 fds, contre 1006 tués depuis que la junte est aux commandes. On dénombre, chaque jour, plus de victimes civiles encore, particulièrement, dans la région de Tilabery où les attaques terrorristes sont quasi-quotidiennes.
Face à l’incapacité notoire de la junte à assurer la sécurité dans la zone sensible des trois frontières, on assiste à un exode massif des populations rurales qui fuient les exactions et les assauts meurtriers pour se réfugier dans les grands centres. Spoliés de leur bétail, empêchés de mener toute activité agricole, les populations déplacées des zones sinistrées, doivent aussi faire face à une autre épreuve : l’insécurité alimentaire, voire une situation de famine.
2- Le Niger, un pays isolé et banni
Une diplomatie en panne d’un État, devenu paria ?
Alors que le Niger était un des États les plus fréquentables au monde, dans les petits papiers de tous les partenaires, le Niger, est aujourd’hui sur le banc de la communauté internationale. L’isolement du pays est à la dimension de la méfiance et du désintérêt qu’il inspire désormais. Les relations avec toutes les instances régionales, sous-regionales, comme la CEDEAO, l’union Africaine, l’UEMOA sont exécrables. Elles ne sont pas meilleures avec les organisations internationales, les partenaires bi et multi-latéraux. Les rapports de bon voisinage avec des pays frontaliers, utiles au Niger comme le Nigeria avec lequel il partage près de 1500 km de frontières, le Bénin dont le port est la principale ouverture sur la mer pour ce pays, totalement enclavé, sont chancellants ou carrément rompus.
Entre le Niger et le Bénin, la tension est à son comble. Et, tout porte à croire que la desescalade est encore loin, n’est pas pour demain, malgré les efforts considérables de médiation en cours des uns et des autres. La junte demeure dans une logique de confrontation, suivant une obstination d’une absurdité inouïe que seule elle , est en mesure de comprendre et d’expliquer. Ainsi, malgré l’ouverture des frontières du côté beninois, celles-ci restes bouclées côté Niger, sous le fallacieux prétexte que le Bénin abriterait des bases françaises où seraient entraînés des terrorristes destinés à déstabiliser le régime nigerien de transition. Malgré la bonne foi des autorités beninoises , maintes fois réitérée et leur disponibilité franche à renouer la coopération dans un climat de confiance et de respect mutuel, la junte nigérienne campe sur ses positions , alors qu’elle a ouvert toutes les frontières du Niger avec le Nigeria, considéré aussi comme État ennemi. Comprenne qui pourra.
L’ attitude vexatoire de la junte du Général Tiani vis-à-vis de Cotonu a suscité l’ire du Président beninois , Patrice Talon, qui, à son tour, a fini par imposer un embargo total sur le pétrole nigerien qui transite par son port. Une réponse du berger à la bergére qui a sorti la junte de son arrogance pour engager des négociations en vue d’obtenir une paix des braves , susceptible de préserver ses intérêts et d’assurer sa survie, fortement dépendante de la manne pétrolière. Mais, comme elle reste imprévisible et inconséquente, peut-être qu’elle réserve d’autres mauvaises surprises encore.
3 – une économie exsangue
La Banque mondiale et le Fmi ont tablé sur une croissance continue sur plusieurs années avec des prévisions de l’ordre de deux chiffres à partir de 2024. Malheureusement, l’espoir suscité par l’exploitation pétrolière s’est évaporé à cause de la gouvernance erratique d’une junte sans vision ni repères. A cet égard, il faut rappeler que la production pétrolière qui devrait passer à 1000000 baril par jour contre 20.000, est compromise à la fois par la crise avec le Bénin et l’insécurité qui sévit sur le site avec les actes de sabotage des mouvements armés qui se sont constitués contre les piplines, afin de harceler la junte pour obtenir d’elle, de gré ou de force , le retour à l’ordre constitutionnel et son remplacement par un régime civil,, démocratiquement établi.
Cette situation volatile et incertaine a occasionné l’arrêt des activités, sur le site de l’exploitation pétrolière, fermé jusqu’à nouvel ordre, et en attendant de meilleures garanties de sécurité. Naturellement, les personnels sont forcés à un congé technique.
Dans ces conditions, les projections de croissance initiales sont remises en cause , parce qu’elles sont basées dans une large mesure sur les revenus tirés de la production pétrolière mise en berne, qui pourrait ne pas reprendre de sitôt, parce que l’insécurité à l’origine des problèmes allant de mal en pis.
A cela, s’ajoute la suspension des activités des principales sociétés minières ,;notamment françaises.
Inflation, raréfaction des produits de première nécessité, récession économique, tel est le bilan malencontreux d’ 1 an de pilotage à vue du Niger par militaires , incultes et véreux.
4- Quid de la souveraineté ?
Un slogan et un artifice pour se maintenir aux affaires et confisquer le pouvoir. On en fait un cheval de bataille pour abuser une opinion chez laquelle le sentiment d’appartenance nationale et de fierté grégaire est sans cesse exalté à des fins de pure propagande. C’est la parade que tous les putschistes ont trouvé comme moyen de légitimation populaire, de distraction politique , comme caisse de résonance idéologique. Ceux qui se présentent comme des libérateurs à la place de présidents élus et de régimes légitimes , en réalité, adoptent pareille posture , pour pouvoir s’attaquer aux élites politiques , accusées de tous les pêchés d’Israël, notamment de se prosterner devant l’occident impérialiste, enclin à piller les richesses nationales. La France, essentiellement, serait la puissance qui dicterait aux pays leurs politiques, aux chefs d’Etat, la conduite à tenir. Dans la foulée, la démocratie est présentée comme une valeur occidentale, malicieusement introduite en Afrique pour mieux l’asservir, un cheval de troie, symbolisé par les dirigeants africains qui ont l’onction populaire , assimilés à des faire-valoir des grands de ce monde. Aucun des chefs d’Etat civils , passés par le suffrage universel, n’échappe à cette caricature, à ce mauvais procès. Alors, il faut renverser la table en prônant la révolution qui voudrait dire la rupture dans tous les domaines, militaire, politique, économique, diplomatique avec le méchant colon blanc , au nom de l’indépendance et de la souveraineté recouvrées. Le hic, c’est qu’en même temps qu’on dit vouloir se libérer de toute ” tutelle” , on pense en trouver la meilleure qui soit dans des épousailles avec la Russie déclinante , surtout qui monnaye ses services en conditionnant son aide à l’exploitation de ressources des pays qui font appel à son ” expertise” et désireux d’être sous son protectorat. D’ailleurs, la coopération de la Russie avec les États sous administration militaire, c’est plus pour préserver les tenants du pouvoir que pour quelque chose d’autre de profitable au pays et à ses populations.
Comme on le voit, tous les Nigeriens, patriotes, démocrates et républicains ont le devoir impérieux de se mobiliser pour sauver la patrie en danger. La communauté africaine et internationale ne pourrait abandonner le Niger ainsi que les autres pays du Sahel à leur triste sort en laissant faire des putschistes qui profitent de leur isolement volontaire et prémédité, donc bien calculé, pour tout se permettre, sans limites ni retenue. Le silence n’est pas une solution face à cela, l’indifférence n’est pas la réponse appropriée à la tragédie du sahel. On a le sentiment qu’il y a comme une connivence avec les putschistes et une action concertée de non assistance à des peuples en danger. Il est temps que les citoyens des pays occupés et toute l’humanité se liguent contre la horde de sauvages qui rendent la vie impossible à tout le monde aussi bien dans la sphère du sahel que dans le concert des nations.
Samir Moussa