En septembre l’an 2000, la Guinée a été victime d’agression des rebelles venus de la Sierra Leone et du Libéria, pays voisins. Plusieurs milliers de citoyens guinéens avaient péris au cours de cette attaque soudaine et sanglante qui avait touché les villes de Macenta, Forécariah, Kindia, Guéckédou et Kissidougou.
Deux décennies après cette guerre, les souvenirs des atrocités des rebelles hantent toujours les esprits dans la région forestière fortement impactée. Notre correspondant régional basé à Kissidougou a marché sur les traces des rebelles, pour aller à la rencontre des habitants de Dengamadou, ce village qui fut occupé pendant 3 semaines par les rebelles.
Dengamadou est un village relevant de la sous-préfecture de Fermissadou, située au bord de la route nationale No.2 à 13 kilomètres de la commune urbaine de Kissidougou. Comme toutes les localités traversées par la route nationale entre Kissidougou et Guéckédou, Dengamadou avaient malheureusement reçu la visite des rebelles qui poursuivaient leur progression vers les centres urbains semant la terreur et la panique sur leur passage.
Fara Touré, habitant dudit village qui avait ses 26 ans à l’époque, s’en souvient encore comme si c’était hier. ‘’Généralement, les mois de décembre sont synonymes de réjouissances, mais en 2000, nous avions vécu un mois de décembre infernal à cause de ces visiteurs indésirables appelés ‘rebelles’. Déjà, le 05 décembre, nous avions appris que la sous-préfecture de Yèndè était attaquée par les rebelles. Donc, le même jour, tous les habitants avaient quitté le village pour aller nous réfugier quelque part en brousse au moins à 1 kilomètre. Après 3 jours en brousse, il y avait eu un cas de maladie grave, c’était un enfant qui souffrait de dysenterie. Alors, au soir du 08 décembre, je fus désigné avec 5 autres bras valides pour ramener l’enfant au village, afin de trouver un moyen pour l’évacuer à l’hôpital dans la commune urbaine. Quand nous nous sommes retournés au village, nous sommes restés au chevet du malade toute la nuit. Le samedi 09 décembre à 5 heures du matin, les rebelles ont commencé à rentrer au village. Le premier groupe c’était des gens qui ne portaient pas d’armes, ils étaient venus mal habillés comme des fous, au moins une cinquantaine. Directement, ils sont venus nous entourer. Puis, un deuxième groupe est venu, mais ceux-ci étaient armés de fusils, ils portaient des tenues militaires et des bandeaux rouges sur les têtes. Ils s’adressaient à nous en anglais et en malinké. Nous sommes restés avec eux jusqu’au lundi 11 décembre, jour auquel notre enfant malade avait malheureusement rendu l’âme. Au moins, ils nous ont autorisés à l’enterrer tout près. Le même jour, ils ont fouillé tous les bâtiments et ils ont pris tous les vivres avec le bétail. Vers le soir, ils ont fait venir un véhicule Kia Motors. Ils ont décidé de partir avec nous à Yèndè, pour accompagner ces vivres’’, a-t-il raconté.
Poursuivant, notre interlocuteur relate comment ils ont pu s’échapper du contrôle de leurs ravisseurs qui voulaient les utiliser comme des prisonniers de guerre. ‘’Quand le véhicule a pris le départ pour rejoindre Yèndè, le chauffeur a garé à mi-chemin au niveau du carrefour Worodou où il y avait un grand groupe de rebelles. Alors, le chauffeur nous a confiés à deux d’entre eux de nous surveiller, tandis que lui il causait avec les autres rebelles. Ils sont restés à causer jusqu’à 23 heures. Entre-temps, les deux rebelles qui devraient nous surveiller s’étaient endormis. Sans plus tarder, nous avons profité pour nous faufiler dans la brousse. Au bout d’un temps, ils ont compris que nous sommes partis et ils commencé à faire des tirs de sommation, mais nous on était déjà loin dans la brousse. Comme nous maîtrisons bien la zone, nous sommes partis au village de Wondebeindou, mais là-bas aussi, le village était vide, les habitants étaient tous terrés dans la forêt. De là, on s’est rendu à Yalakala, là-bas, au moins, il y avait beaucoup de monde, comme c’est un village un peu éloigné de la route nationale. On était beaucoup inquiets pour nos parents qui étaient en brousse de l’autre côté. Mais heureusement, ceux-ci nous ont rejoints à Yalakala où nous sommes restés au moins deux semaines. Un jour, un le président du district de Dembadou qui était un ancien combattant, est venu nous donner la bonne nouvelle selon laquelle, l’armée guinéenne aurait repris le contrôle de toutes les localités attaquées par les rebelles. Nous étions en manque de tout: de la nourriture, des médicaments, surtout de l’information. Alors, le même jour, nous étions tous venus au bord de la route nationale et effectivement, nous avions rencontré les militaires guinéens qui nous ont mis dans les camions pour nous conduire à notre village. Nous étions certes rassurés, mais nous avions trouvé que les rebelles avaient détruit tous les bâtiments et emporté tous les vivres et les bétails. Donc, il fallait recommencer à zéro’’, se souvient-il.
Selon les témoignages recueillis auprès des riverains, une bataille féroce avait opposé l’armée guinéenne aux rebelles au niveau de la grande forêt appelée Môffa à l’orée de la commune urbaine de Kissidougou. Finalement, il aura fallu deux jours d’intenses combats pour que l’armée guinéenne qui avait utilisé de l’artillerie lourde, parvienne à déloger les envahisseurs désemparés et surpris. Selon les mêmes témoignages, on comptait les morts par centaines.
S’adressant à ses compatriotes, Fara Touré a invité les uns et les autres à privilégier l’unité nationale. ‘’Personne n’aimerait quitter sa maison pour aller passer plusieurs nuits en plein brousse. La paix n’a pas de prix. Moi, je n’aimerais jamais revivre ces moments pareils dans ma vie. Je reste reconnaissant à l’armée guinéenne et les jeunes volontaires’’, a-t-il invité.
À noter que le président guinéen d’alors, le Général Lansana Conté avait publiquement accusé son homologue libérien Charles Taylor, d’être à l’origine de cette agression barbare, contre les paisibles populations guinéennes.
Depuis Kissidougou, Ousmane Nino SYLLA, pour Lerevelateur224.com.
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