Avec ses innombrables bas-fonds et ses nombreux cours d’eaux, la préfecture de Kissidougou est principalement arrosée par le fleuve Niandan, long de 190 km. Cette immense faveur de la nature fait de Kissi-faramaya une zone agro-pastorale par excellence. Si dans les zones rurales, c’est la culture du riz et les plantations qui dominent, en revanche, dans la commune urbaine, c’est l’agriculture maraîchère qui s’impose.
Cette autre forme d’activité agricole est majoritairement pratiquée par les femmes dans les bas-fonds, surtout le long du cours d’eau Gbangban qui traverse plusieurs quartiers de la commune urbaine. De nos jours, cette vieille activité qui a su résister aux temps, est menacée de disparition à cause des nombreuses difficultés qui assaillent ce secteur. Parmi lesquelles, on peut citer les conséquences du changement climatique.
Pour mieux cerner les contours des mille et une difficultés qui s’abattent sur ce secteur, notre correspondant régional est allé à la rencontre des femmes et des hommes qui pratiquent l’agriculture maraîchère dans la commune urbaine de Kissidougou. Malgré que ce secteur soit attractif aujourd’hui, les nombreux citoyens qui y viennent se heurtent à de sérieux problèmes.
Au quartier TP, une trentaine de femmes unies au sein d’un groupement agricole appelé ‘’Lawassa’’ s’adonnent à cette activité depuis plusieurs années. Kounadi Keita, qui est membre dudit groupement agricole énumère quelques unes de ces difficultés.
‘’Ce qui nous a encouragé à choisir cet endroit pour faire le maraîchage, c’est ce cours d’eau qui est à côté de nous comme ça. Avant, c’est au niveau de ce cours d’eau que l’on prenait l’eau pour arroser les plantes. Mais aujourd’hui, ce cours d’eau est presque tari et l’eau qu’on y trouve est complètement polluée ; donc, nous ne pouvons plus l’utiliser sur nos plantes. Nous sommes obligées de creuser des trous d’au moins 1 mètre partout pour avoir de l’eau. On ne peut pas faire ce travail sans l’eau. En plus de ça, nos plantes sont envahies par les bœufs et les moutons, car nous n’avons pas les moyens pour clôturer nos jardins. Comme vous remarquez, nous sommes en manque de matériels, sinon, nous voulons augmenter notre production, mais hélas’’, a-t-elle énuméré.
Poursuivant, cette laborieuse femme regrette l’indifférence du département de l’agriculture à leurs égards. ‘’Depuis que nous nous sommes constituées en groupement, nous n’avons reçu aucune assistance. C’est seulement notre engagement qui nous retient dans ce travail. On dirait que nous sommes abandonnées à nous-mêmes. J’invite les projets et les ONGs qui évoluent dans le domaine agricole de tourner leurs regards vers nous. Toutes les femmes qui exercent cette activité ont un point commun : c’est que nous sommes pauvres’’, a-t-elle signalé.
Par contre, Sia Fatou kagbadouno qui pratique l’agriculture maraîchère le long du fleuve Gbangban entre les quartiers Ernesto et Kôrôdou, n’appartient à aucun groupement agricole. Elle a décidé d’évoluer en solo. Elle estime que ce type d’agriculture est négligée par les décideurs.
‘’Chez nous, l’État s’intéresse seulement à ceux qui cultivent le riz, alors que l’on ne peut pas consommer le riz sans la sauce. Ça fait des années que je fais ce travail, il y a beaucoup de domaines cultivables, mais je n’ai aucun accompagnement, les semences sont chères, je n’ai pas de matériels. C’est pourquoi, je cultive seulement les feuilles de patates qui sont beaucoup consommées ici en Guinée forestière. Si ce secteur est soutenu par les autorités, nos marchés seront inondés en légumes de bonnes qualités et à des prix abordables. Nous contribuons à notre manière à la lutte contre la faim’’, a-t-elle fait remarquer.
Toutefois, cette activité agricole n’est pas uniquement l’apanage des femmes. Il y a aussi certains hommes qui s’aventurent dans cette culture des légumes. C’est le cas de Mamadi Fofana, qui gagne sa vie grâce à l’agriculture maraîchère. Il reconnaît que les conséquences du phénomène de réchauffement climatique menacent dangereusement leur activité.
‘’Moi personnellement, avant de me lancer dans ce travail, je rencontrais d’énormes difficultés pour subvenir à mes besoins. Mais depuis que je me suis lancé dans le maraîchage, je parviens à soutenir convenablement ma modeste famille. Maintenant, en ce qui concerne les difficultés naissantes dans ce secteur, je vais d’abord pointer du doigt la vague de chaleur qui a frappé toute la Guinée cette année. La chaleur a beaucoup fatigué nos cultures. Cette chaleur n’a épargné ni les humains, ni les animaux, ni les plantes. A côté de ce facteur naturel, nous sommes aussi en manque de produits phytosanitaires, car il y a aussi les insectes qui s’attaquent à nos spéculations, entre autres : les gombos, les aubergines, les choux, les laitues, les maïs, du piment. À cause des grandes pluies qui ont déjà débuté, nous allons quitter momentanément les bas-fonds pour nous installer sur les abords mais ce que nous craignons encore c’est le cas des bœufs et des moutons qui nous font vraiment mal’’, a-t-il souligné.
En ce qui concerne l’appui des projets agricoles, Mamadi Fofana argumente. ‘’Moi-même si ce n’est pas avec les journalistes, je n’accepte même pas de me prêter aux questions de ces ONGs ou bien ces projets agricoles, parce qu’ils viennent seulement nous poser des questions, mais en retour on ne voit rien. La vérité est que notre secteur est méprisé par le département de l’agriculture. En tout cas, jusqu’à présent, notre activité là est en dehors des périmètres de la refondation verte vantée par les nouvelles autorités’’, a-t-il regretté.
À noter que si ces difficultés énumérées par les acteurs de ce secteur d’agriculture ne trouvent pas une réponse cohérente de la part de l’Etat, ces hommes et femmes risquent d’être atteints par la démotivation à cause des conséquences du changement climatique, de l’invasion des animaux et des insectes, du manque de matériels et surtout la rareté de l’eau auprès des cours d’eau et des bas-fonds.
Depuis Kissidougou, Ousmane Nino SYLLA, pour Lerevelateur224.com.
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