Aujourd’hui l’Etat guinéen en sus de ses sempiternels problèmes de construction d’un Etat fort, de construction d’unité nationale à travers la promotion de dialogue social, nous assistons malheureusement à maints endroits à une balkanisation des communautés à cause des coordinations régionales en leur sein. C’est le cas en basse côte où nous assistons à une pluralité de koutigui parlant tous au nom de la basse côte, à N’Nzérékoré où la question de patriarchie divise des familles, si ce n’est pas un problème de légitimité, c’est une question d’ordre traditionnel ; tout récemment dans la préfecture de Macenta où des frères Toma et Manian se sont entretués et blessés à cause d’une question d’autorité coutumière de la ville, chacun réclamant sa paternité.
Le constat qui se dégage est que les coordinations régionales qui devraient être des institutions communautaires promotrices de la paix et la cohésion sociale, sont en train de devenir des poudrières qui fragmentent le tissu social autant à l’interne des communautés qu’à leur externe. Les autorités sociales et morales tendent à devenir politiques, ce qui est un grand paradoxe.
Partant de ce fait de la nocivité du rôle de ces coordinations régionales et assimilées ces derniers temps, notre assemblée nationale fait un semblant de bienveillance à travers d’adoption d’une résolution qui donne à poser la réelle problématique du rôle de ces coordinations dans l’édification de la cohésion sociale.
D’abord, il convient de souligner que ce phénomène de coordination régionale ne date pas d’aujourd’hui, il existe depuis avant l’indépendance de la République de Guinée. Précisément dans les moments de balbutiement qui ont précédé l’accession du pays à la souveraineté, des coordinations régionales ont joué des rôles politiques dans le soutien de leur fils à l’accession au pouvoir politique territorial entre vers 1945-56. Après l’indépendance, le premier régime est arrivé à rassembler toute le monde en abolissant les autorités coutumières et renforçant l’Etat central.
Malheureusement après la mort du présent Ahmed Sékou Touré, la chute du PDG parti Etat, le phénomène de coordination a ressurgi avec le CMRN émergent. Il y a eu une montée en cascade de l’ethnocentrisme. Conséquence, les communautés se sont repliées sur elles-mêmes pour se défendre et défendre leurs intérêts.
Ce phénomène s’est aggravé à la suite de l’instauration du multipartisme intégrale. Il y a eu plusieurs parti politiques à l’image des ethnies et groupe ethniques que compte le pays. Cela a enclenché un peu partout des conflits interethniques qui renforcèrent le sentiment communautaire et communautariste. L’incident de n’Nzérékoré fut l’exemple le plus illustratif en 1995.
Malheureusement, les habitudes ayant la peau dure, le phénomène s’est exacerbé depuis 2010. Chaque coordination s’est mise dans la posture de défense du fils de la communauté ou de la région aux élections de 2015 et 2020.
Cette résolution adoptée par l’assemblée en six point ressemble à une simple dissertation qui se contente de répéter tout ce que nous savons déjà sans possibilité de changer quoi que ce soit. Or, quand on prend la parole en public, ce n’est pas pour répéter ce que dit tout le monde, si on n’a rien à ajouter, le mieux c’est de se taire. Pour parler comme le juriste analyste Jean Paul Kotembedouno, ce sont des formulations vagues et peu prescriptives. Elle représente, à ce titre, moins du droit contraignant que de droit mou. En lieu et place de cette résolution, elle aurait plutôt voté des lois qui régulent l’existence, l’organisation et le fonctionnement de ces organisation informelle.
Puisque le problème est institutionnel, c’est aux institutions de le régler et l’Etat en premier. Il faut que l’l’Etat cesse l’instrumentalisation à outrance des structures traditionnelles à des fins politiques comme ce fut le cas des kountiguis de la basse côte où pouvoir et opposition, chacun fait son kountigui.
Il faut mettre des barrières juridiques empêchant ces coordinations de faire immixtion dans la politique politicienne, comme ce fut le cas en 2010 des sages de la Haute-Guinée qui sont venus faire leur ultimatum au président de la transition d’alors, Général Sékouba Konaté pour ne pas que soit triché leur candidat qui est aujourd’hui Président de la République.
Il faut punir à la dernière énergie toute velléité suprématiste de certaines communautés sur d’autre semant ainsi le désordre et la désolation dans le pays, comme ce fut le cas à Macenta les semaines dernières.
Les coordinations doivent faire un distinguo entre leur rôle de pouvoir traditionnel et celui de l’Etat central. Ils doivent rester dans leur rôle d’autorité morale et en tant que tel, garant de cohésion au sein de leurs entités respectives mais aussi acteur de relation paisible entre celle-ci et les autres communautés. L’exemple du doyennat de Kankan est illustratif lorsqu’il y a eu tentative de violences intercommunautaires entre peul et malinké à Kankan. Les sages ont interdit à toute personne de s’attaquer aux frères peuls, ce fait a eu un écho favorable chez les patriarches des Foutah Djallon.
Mamoudou Mariam Tounkara
Sociologue