Un engagement est toujours susceptible d’être remis en cause pour une raison ou une autre, à cause de la nature versatile des hommes et des imperfections inhérentes au monde. On dira toujours qu’avec le temps, les choses évoluent, les hommes se métamorphosent. On retorquera chaque fois que la promesse n’engage que ceux qui y croient. Mais, la parole publique reste tout de même et malgré tout, sacrée. La constance ainsi que la cohérence, si rares pour ne pas être précieuses, sont encore bien cotées à la bourse des valeurs qui fondent l’humanité et font l’honneur de chacun. L’histoire est très jalouse de sa double face : elle subit de se répéter, elle se prévaut de rattraper. L’Afrique qui se veut, à part, n’y échappe pas, les africains assez doués pour s’affranchir de toute obligation, ne sont pas exemptés.
Une campagne audacieuse est ouvertement engagée pour annoncer avec des mots à peine voilés la candidature imminente et de plus en plus inéluctable du Général Mamadi Doumbouya à l’élection présidentielle prochaine qui mettra fin à une Transition qui aura été particulièrement longue, à-peu-près, la durée d’un mandat de cinq ans. S’il y avait encore l’ombre d’un doute, peu à peu, l’on commence à être édifié sur la suite des événements, à comprendre que sauf tremblement de terre ou avis contraire du seul Dieu, que le chef de l’Etat actuel sera bel et bien parmi les candidats à sa propre succession. Certes, il n’y a pas de déclaration officielle solennelle à ce jour, lui-même n’a pas dévoilé publiquement ses intentions, mais il y a des signes qui ne trompent pas ou plus. La presse a révélé sans avoir été démentie le moins du monde, qu’il a confié à ses proches et collaborateurs, à huit clos, son intention de briguer la magistrature suprême. Auparavant, l’avant-projet de constitution élaboré par le CNT, entre quatre murs, dans le plus grand secret, en faisant fi dans son préambule de la disposition dans la charte de la transition qui interdit au chef de l’Etat et à tous ceux qui de près ou de loin sont aux affaires avec lui en ce moment, de faire acte de candidature aux élections prévues, avait donné un indice clair et précis. Surtout que sur la question, le président du CNT, Dr Dansa Kourouma n’arrête pas de botter en touche et continue de louvoyer. On voit bien que le ver est dans le fruit.
Lorsqu’on insiste, outre mesure, il invoque le principe qui veut que tous les citoyens soient égaux en droits et devoirs. Il n’y a pas de discrimination possible entre eux ni d’opportunité à les catégoriser en privilégiant les uns, en excluant les autres, repète-t-il comme un refrain et tel qu’une leçon bien apprise. Le ministre des affaires étrangères s’est voulu plus clair, péremptoire et tranchant en rompant avec la langue de bois diplomatique et les précautions d’usage, s’agissant de sujets trop sensibles et clivants : ” la constitution ne sera pas une machine à exclure, ni ne servira à écarter quelques-uns en fonction des humeurs et calculs de certains acteurs” . En français facile, tout le monde sera candidat, même ceux qui ont renoncé par eux-mêmes à ce droit constitutionnel.
Morissanda kouyaté annonce dans sa lancée une inversion du calendrier initial: alors qu’il était prévu de boucler le processus électoral avec l’élection présidentielle, tant qu’à faire, on pourrait commencer par la fin pour donner un gage à la communauté internationale ou le change à l’opinion nationale, c’est selon, par rapport au retour à l’ordre constitutionnel qui ne peut plus attendre à cause de l’impatience dans le pays en proie au doute et de l’agacement des partenaires, gagnés par la lassitude. Il faut sortir de l’ambiguïté volontairement entretenue et du flou artistique ambiant, par tous les artifices imaginables.
Et comme il n’y a plus d’alternative aux élections, alors, elles seront organisées moins pour céder le pouvoir que pour légitimer ses détenteurs, présentement. Surtout que ceux qui pourraient tenir tête ont peu de chances de ravir le fauteuil présidentiel, étant tenu loin du pouvoir, écartés pour l’instant de la course pour des motifs divers : exil, affaires judiciaires, emprisonnement notamment. Le seul obstacle à lever, c’est le doute de la candidature, bien sûr, après avoir fait sauter le verrou de ” l’inégibilité”. C’est pourquoi, il faut changer les règles du jeu en cours de jeu, en opposant la constitution à la charte, en plaçant le principe d’égalité des chances entre tous les citoyens au-dessus du serment personnel et de la parole donnée. Et, le tour est joué. Voilà, pourquoi, l’équité entre tous est balancée à la figure de tous. C’est le principe sacro-saint. Point barre. Voilà comment l’on évacue la boule de feu d’une possible candidature du mentor. Seulement, c’est là où commence le mauvais procès aux Guinéens, c’est le Général qui, librement, a décidé qu’aucun acteur de la transition, lui, compris n’est habilité à concourir aux élections qu’il s’est engagé à organiser pour le retour à l’ordre constitutionnel. Il l’a sans cesse réitéré et martelé, à toutes les occasions et sur tous les tons possibles. Un choix personnel délibéré, librement consenti, sans cesse relayé et amplifié par l’ensemble de ses collaborateurs avant le debut de la volte-face spectaculaire. Il n’y a eu donc de la part d’aucun Guinéen à aucun moment la volonté de l’exclure ou de lui denier ses droits. C’est lui qui pour donner des gages de confiance et de bonne foi s’est disqualifié, tout seul, sans contrainte ni pression d’aucune sorte, afin de se démarquer du Professeur Alpha Condé qu’il a renversé en cours de mandat parce que, selon lui, ce dernier était porté à garder le pouvoir, indéfiniment, de gré ou de force. Le Président déchu aurait été aussi un usurpateur et un oppresseur. A la lumière des évènements en cours, que vaut aujourd’hui, un tel jugement de valeur, quel écho de tels griefs pourraient encore avoir ?
Le porte-parole du Gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, a renchéri avec un certain zèle pour convaincre davantage que le Général Mamadi Doumbouya, est un homme sincère et loyal et respectueux de la parole donnée, en rassurant l’opinion nationale et internationale qu’il ne fera pas une minute de plus à la tête du pays après le temps qu’il s’est accordé pour accomplir sa mission, quel que soit le cas de figure.
On ne le rappelera jamais assez le discours prononcé le 5 septembre 2021 par le Général Mamadi Doumbouya et la posture qu’il a eue par la suite ont suscité l’admiration, l’estime et le respect d’une majorité de Guinéens, ayant soif de liberté et de Démocratie. Qu’en sera-t-il de l’ambition qu’on lui prête, à tort ou à raison, des intentions que ses partisans affichent, clairement ?
Chacun se doute bien que si le discours des débuts prometteurs a considérablement évolué, les plans ont radicalement changé, rien ne sera plus comme avant, non plus, que le traitement du nouvel homme politique et candidat potentiel sera très différent de celui de rédempteur annoncé, de libérateur préssenti. Les hommes changent, le peuple aussi. Attendons de voir !
L’édito.