Parler de justice, sous une junte, est un acte de blasphème, comparable à la profanation d’une tombe. Le putschiste n’a pas de religion ni de foi, n’entend se soumettre à aucun ordre, ni obéir à la Loi. Tout commence et finit par lui, aussi longtemps qu’on le laissera faire, ne l’arrêtera pas dans ses excès et dérives, érigées en lois et normes dans l’Etat et la République.
Les magistrats, hommes de loi et de droit Burkinabé l’apprennent à leurs dépends, eux, qui comme leurs homologues des autres pays, accaparés par les militaires dans leur grande majorité, au mieux, sont dans l’attentisme, au pire se conforment à leurs desiderata. Retour du bâton! Après avoir accepté le plus clair du temps et dans la plupart des cas de servir une cause douteuse, à leur tour, d’en pâtir, harcelés, intimidés, maintenant, réquisitionnés pour le front.
Le Ministère de la défense, coutumier du fait, vient de signer un ordre de réquisition pour déployer 4 magistrats dont 2 procureurs sur la ligne de front pour les punir d’avoir prononcé des décisions contraires à la volonté du pouvoir militaire de transition.
Le substitut Nacro Abdoul Gafarou du TGI/Bobo est le premier sur la liste. Il a été convoqué par la garnison de ouaga pour lui signifier qu’il a été réquisitionné pour des besoins de sécurisation du territoire national. Relation de cause à effets? La nouvelle recrue fait partie des 2 magistrats qui ont eu en charge l’affaire du prêcheur de Bobo, libéré, lundi dernier, après son placement sous mandat de dépôt.
L’ancien pensionnaire de la maison d’arrêt de Bobo, revendique, ouvertement, d’être du premier cercle du capitaine Ibrahim Traoré.
Dès le lendemain de la libération extra-judiciaire, le mardi qui a suivi, le substitut en second, Yon, aux environs de 4h du matin, a reçu la visite d’un quidam, armé. Il a trouvé asile chez un voisin bienveillant. Le visiteur indésirable, a emporté, téléphones portables, tablettes et ordinateurs, devant le regard médusé et hagard de la maîtresse des lieux.
Un des responsables du syndicat des magistrats, informé, de la réquisition du substitut Nacro, a expliqué que ce n’est pas un cas isolé, le doyen des juges d’instruction du TGI/zinaré, lui aussi, enrôlé, de force.
Le procureur du Faso, près le TGI/Bobo fait partie aussi des réquisitionnés. Avant sa mésaventure, on l’a donné partant. De nombreux magistrats ont été consultés pour prendre son poste.
Pour beaucoup d’observateurs avertis, les magistrats sont victimes de représailles pour avoir refusé de céder aux avances du MPSR-2, l’organe militaire qui dirige le Burkina, en appelant au boycott des élections à travers lesquelles un syndicat de la magistrature acquis aux autorités de fait devrait être mis en place.
Les magistrats, malgré tout, restent mobilisés et déterminés à défendre l’honneur et l’indépendance de leur corporation. Ils attendent le rapport de leurs collègues consécutif à la libération, par effraction et un tour de force, de l’affidé du pouvoir, sorti de prison comme un héros, afin d’édicter la marche à suivre et avant toute éventuelle prise de position. On apprend que le parquet aurait renoncé à donner sa version des faits par peur d’être réprimé, tandis que d’autres sources indiquent que la rédaction est en cours.
Quoiqu’il en soit, Ib est devenu le commun à tous, donc, la lutte doit être collective pour qu’elle soit couronnée de succès rapidement. C’est une question de vie ou de mort pour chacun et de survie de la glorieuse nation Burkinabé, réduite en miettes, avec des citoyens confinés dans la condition dégradante de sous-homme, taillables et corvéables, à merci, par la seule volonté d’un individu, fou du pouvoir, fossoyeur du genre humain dans toutes ses dimensions et son humanité.
Il n’y a de fatalité à rien!
Samir Moussa