De bric et de broc, les régimes se succèdent parfois dans le chaos, d’autres fois dans l’euphorie des fausses promesses comme cette fois-là encore, pour que rien ne change et que personne ne s’amende.
Ne sommes-nous pas tous prévenus qu’on tient les hommes mieux avec les vices que la vertu ? Chaque fois, “tout change pour que rien ne change”. Cette monotonie dans l’Etat et l’immobilisme dans le temps moquent le progrès et continuent d’ajourner le changement, si l’on veut, les révolutions, bruyamment, proclamées et sans cesse promises aussi.
Notre pays bien-aimé de nous et pourtant si hostile à nous, se plaît dans les errements, ses citoyens ne se lassent guère de répéter leurs erreurs ô combien tragiques et d’insister, outre mesure, dans la bêtise. Peut-être que c’est une fatalité ou alors le choix délibéré de sombrer dans l’obscurantisme et d’entretenir la médiocrité dans ce qu’il conviendrait d’appeler un naufrage collectif à répétition. On ne se libère pas facilement de son passé surtout lorsqu’on ne peut entrevoir l’avenir ni dompter ses démons. Soit, on est performant dans le mal ou brille dans le bien.
Deux faits récents parmi tant d’autres pour ceux qui sont des optimistes invétérés et passionnés de la Guinée indiquent la difficulté à changer le Guinéen, à parier sur un pays sans véritables repères, ni horizons certains, coupé du monde, devenu la risée de tous, le cimetière de tous les espoirs, le purgatoire par excellence de tous les damnés de la terre.
Sur le plan politique, alors qu’il y a longtemps que l’on sait qui est qui, qui peut faire quoi, on annonce une union sacrée d’acteurs qui chacun a un passé qui parle pour lui, ont tous des convictions connues et de notoriété publique, certaines plus durables que d’autres, surtout depuis le début de la transition ont montré leur visage aussi changeant que le temps, se sont littéralement dévoilés convaincus que seul le moment présent compte. Hier est passé, demain n’arrivera pas.
Diantre, pourquoi remorquer quand on est capable tout seul de faire la différence ? On ne peut marcher avec des épines dans les pieds. Le groupe souvent hétérogène ou les regroupements factices ont assez montré leurs limites dans une société où chacun voit midi à sa porte, le pêche d’orgueil, les vanités, l’ambivalence de drôles de personnages qui ne sont pas entrés en politique comme en religion font qu’ensemble, on recule, piétine, devient servile et vulnérable. Dans ces conditions, il faut oser se démarquer, croire en son propre destin, forcément solitaire, éloigné de celui des autres trop lointain, confus et incertain. Il en est ainsi pour ceux qui refusent d’échouer avec les autres, savent qu’il faut souvent affronter les autres pour parvenir à ses objectifs. Le Général Mamadi Doumbouya, s’il avait consulté ou attendu d’obtenir l’unité de toute l’armée ne serait pas aujourd’hui à la tête du pays, aurait sans doute même échoué dans son entreprise personnelle risquée et isolée avant le ralliement forcé à son triomphe. Sarte a raison: l’enfer, ce sont les autres.
A-t-il vécu dans une autre vie en Guinée ou a-t-il eu des Guinéens comme amis et partenaires dans le monde dystopique de Georges Orwell ? Les ” fronts” , de tous les temps à toutes les époques dans l’histoire de la Guinée évoquent des trahisons, des défections, la malédiction de l’échec. Quand certains se sacrifient pour la cause commune, d’autres, que personne ne voit et entend, lorsqu’ils sont dans les tranchées, font tout pour que jamais on ne goûte aux délices de la victoire qui récompense les efforts consentis, les épreuves endurées.
Il est bon de le savoir : On n’attend pas un pays pour en prendre possession et aucune révolution au monde n’est arrivée par hasard avec tout le monde dans la peur et les hésitations.
L’autre raison de s’etrangler d’être un contemporain et compatriote de Guinéens qui ne craignent pas d’être rattrapé par le temps et honni par leurs actes, c’est l’idée à des fins de basse propagande du nouveau ministre de la culture qui ne lui survivra pas heureusement comme d’autres farces de cet acabit dans le passé, de lancer un soit-disant prix littéraire Général Mamadi qu’on ne connaît pas amoureux des lettres ni écrivain. Moussa Moise Sylla, lui-même, ancien chroniqueur agité , qui semble trouver son bonheur dans une transition décriée par tous, n’a aucune fibre littéraire connue ni vocation artistique notoire encore moins n’est un homme de culture de renom pour qu’il soit un interlocuteur légitime du monde des arts et des lettres. Ailleurs, l’affaire d’intellectuels éprouvés et de sommités littéraires incontournables, en Guinée, plus encore sous la transition, le ministère de la Culture est le parent pauvre à la portée du premier venu ou si l’on veut dire les choses comme elles sont à la dévotion de tout parvenu. Ce n’est pas un Président qu’on est destiné à y servir pour peu qu’on soit méritant et imprégné peu ou prou de sa mission et de sa finalité. Un chat ne sera jamais un lion comme il ne suffit pas d’être ministre pour combler des lacunes personnelles et se rêver en grand intellectuel, commis de l’Etat ou homme de lettres. On n’en peut plus de supporter l’insupportable, de souffrir en silence, de voir les procureurs d’hier se comporter en prédateurs, de mourir de voir la Guinée au crépuscule de la démocratie, incapable de sursaut empêtrée dans l’abîme : la raison a déserté le pays, l’intelligence bannie, cherche refuge.
Que Dieu apporte la lumière à la Guinée, au propre comme au figuré.
Daouda Kanté, mastorant en Science Politique (Suisse)